anne collod … & alters

Le parlement des invisibles

Création 2014

De quelle façon les disparus, êtres et œuvres, nous mettent-ils en mouvement ?
Comment, à travers la danse, viennent-ils fertiliser notre présent ? Quels sont leurs régimes de vitalité ?
Le parlement des invisibles déploie une traversée funéraire pour une œuvre oubliée, la Danse Macabre (1935) du chorégraphe allemand Sigurd Leeder.

Porté par 5 danseurs, Le parlement des invisibles emprunte tour à tour à la procession, au rituel ou au carnaval pour faire écho à la dimension collective des danses macabres et à leurs charges festives et satiriques. Il joue avec différents registres de représentation et d’altérations chorégraphiques et musicales et mêle projections d’images d’archives et actualisations dansées en direct pour célébrer la fécondité de ces disparus qui nous rendent si vivants.


« Le parlement des invisibles est né de plusieurs envies : je désirais d’une part prolonger le travail de recréation de pièces chorégraphiques que je mène depuis plusieurs années, et poursuivre le mouvement amorcé avec la recréation de Parades & Changes d’Anna Halprin, en poussant le travail de réinterprétation : l’œuvre recréée devient la matrice d’une nouvelle pièce, un gisement dans lequel puiser.
Je suis partie de l’hypothèse qu’interpréter les traces laissées par des œuvres chorégraphiques serait une façon de converser avec des disparus, de les laisser me mettre en mouvement et de les inviter à venir bousculer mon présent.
Cela m’a amenée à considérer les morts comme ayant des formes d’existence aussi bien réelles qu’imaginaires, et comme des êtres porteurs de récits doués d’un régime de vitalité qui impacte les vivants.
J’avais aussi l’envie, après le travail que j’avais mené avec la chorégraphe américaine Anna Halprin, de prolonger le lien qu’elle établit entre l’art et la vie et de mener une réflexion sur la place des morts et leurs représentations aujourd’hui. J’ai rencontré une série de professionnels qui travaillent avec des morts et j’ai collecté les récits des gestes qu’ils effectuent pour eux.
Enfin j’avais besoin de tenter d’exorciser la solitude et la peur liée pour moi à la mort et au deuil en une célébration collective, de transformer un mouvement de clôture en un mouvement de réinvention et de fécondité et de renverser un processus d’occultation de la mort et des morts en un processus d’exposition et de partage.

La Danse Macabre m’a paru être la compagne idéale pour accompagner ces changements de perspective. Issue du Moyen-Âge, cette forme picturale déploie une longue farandole où des squelettes dansants entrainent vers un ailleurs inconnu des vivants pétrifiés, les plus puissants partants les premiers. Cette représentation des liens entre les vivants et les morts me perturbait par son étrangeté et me stimulait en plaçant la danse, la désarticulation des normes, la cohabitation de la réalité et de la fiction, du poignant et du grotesque en son cœur.

Une danse macabre allemande
J’ai invité également une Danse Macabre oubliée des années 30, la Danse Macabre du chorégraphe et pédagogue allemand Sigurd Leeder à venir hanter le plateau.

Cette Danse Macabre est une fable chorégraphique d’une dizaine de minutes écrite en 1935 pour un groupe de 18 étudiants-danseurs. Composée sur la musique homonyme de Camille Saint-Saëns dans sa version pour deux pianos, la Danse Macabre met en scène le temps d’une nuit une société évanouie qui se mêle en des danses endiablées au milieu d’un cimetière, avant de se disperser à l’aube.
C’est la dimension collective et fantastique de cette œuvre qui m’a intéressée, ses motifs folkloriques et populaires. Ce thème du surgissement nocturne me paraissait propice à cette notion de survivance et de hantise d’une œuvre que je souhaitais explorer ; la précision de son écriture gestuelle et spatiale offrait aussi un support intéressant d’altération et de décomposition qui sont d’autres motifs importants qui irriguent Le Parlement des invisibles.

Fait rare dans l’histoire de la danse, Sigurd Leeder en a réalisé une partition Laban qui m’a permis de déchiffrer cette Danse Macabre. J’ai ensuite transmis cette partition chorégraphique à des danseurs de la formation Extensions du Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse et à des danseurs professionnels de la région afin de recréer cette Danse Macabre et de la filmer. Cette archive contemporaine – réalisée par l’artiste vidéaste Jacques Hoepffner – ainsi qu’un film d’archives des années 30 retrouvées dans les Archives Suisses de la Danse permettent à différentes natures d’images et à différentes strates de temps de s’entrecroiser dans Le parlement des invisibles.

J’ai aussi transmis à Jonas Chéreau, Germana Civera, I Fang Lin, Fabrice Ramalingom, Betty Tchomanga, les cinq interprètes qui ont créée Le parlement des invisibles, les principaux motifs chorégraphiques de cette Danse Macabre afin qu’ils puissent s‘en saisir et les altérer.

Altérations musicales
La musique du compositeur Pierre-Yves Macé joue elle aussi de différents registres spectraux ou fantomatiques avec des reprises altérées de la Danse Macabre de Camille Saint-Saëns. Elle introduit également une dimension populaire ou archaïque en jouant des motifs de la fanfare, du carnaval ou de la lamentation. »
Anne Collod

Dates

Lieu

Ville

13/09/1414/09/14
Festival Fontenay en scène
Fontenay-sous-Bois

Conception, direction artistique : Anne Collod
Chorégraphie : Anne Collod en collaboration avec les interprètes, à partir de la Danse Macabre de Sigurd Leeder
Interprétation : Jonas Chéreau, Germana Civera, Marta Izquierdo Munoz, Laurent Pichaud, Betty Tchomanga
Collaboration artistique : Johann Maheut, Cécile Proust
Musique : Pierre-Yves Macé Musiciens enregistrés Maxime Echardour (percussions), Guénolé Keravec (bombarde ténor), Trami Nguyen (piano)
Lumières : Henri-Emmanuel Doublier assisté de Maxime Peaumier
Scénographie : Johann Maheut
Images : Jacques Hœpffner
Costumes : La Bourette
Régie générale : Juliette Rudent-Gili

Administration, production, diffusion : Grand Ensemble